Connectez-vous S'inscrire

Le magazine de l'innovation hospitalière
Hygiène

Un nouvel ouvrage pour tout savoir des bonnes pratiques d’hygiène : « la compréhension est essentielle pour se protéger et protéger les autres »


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Lundi 24 Janvier 2022 à 10:53 | Lu 804 fois


Médecin de santé publique spécialisée dans la prévention et le contrôle des infections et de l’antibiorésistance, Anne-Gaëlle Venier exerce depuis 15 ans au sein du Centre d’appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPias) Nouvelle-Aquitaine. Elle vient de publier Éviter les contaminations lors des soins, un ouvrage synthétique qui présente, de manière simple et accessible, les différentes actions à mettre en place pour assurer l’hygiène des soins.



Éviter les contaminations lors des soins est paru en septembre 2021. Pourquoi était-il selon vous nécessaire de l’écrire ?
Dr Anne-Gaëlle Venier : Tout au long de la crise sanitaire, le grand public comme les soignants ont été confrontés à de nombreux messages qui ont parfois pu leur paraître confus. Or j’avais été contactée en septembre 2020 par les éditions Le Coudrier pour rédiger un guide de l’hygiène des mains. J’ai donc rapidement souhaité élargir le sujet à tous les risques de contamination, de manière à résumer, au sein d’un seul et même ouvrage, l’ensemble des bonnes pratiques à mettre en œuvre lors de la réalisation de soins. Cela dit, je n’ai pas l’habitude de rédiger des livres… Mais le contexte s’y prêtant, j’ai tout de même voulu tenter l’expérience !

Avec succès, visiblement, puisque les thématiques traitées sont particulièrement nombreuses…
C’est là l’un des intérêts majeurs de ce travail. Le paysage littéraire manquait, selon moi, d’un ouvrage qui centraliserait tous les sujets liés à l’hygiène : les virus, les bactéries, les modes de transmission, l’hygiène des mains, les équipements de protection, les antiseptiques… À la fin du livre, j’ai également souhaité consacrer un chapitre à l’amélioration des pratiques, en faisant notamment un point sur les freins rencontrés et les leviers à mobiliser. Nous ne sommes pas des robots, nous faisons tous des erreurs. Comprendre ce qui peut nous empêcher de faire « bien » est alors très important pour commencer à améliorer sa pratique.

Justement, quels freins avez-vous pu identifier ?        
Il y en a plusieurs, que j’ai séparés en trois catégories suivant la théorie des stades de changement. Au premier, celui que l’on nomme le stade de précontemplation, les personnes ne sont même pas conscientes du risque. Il faut alors les sensibiliser pour qu’elles puissent modifier leurs pratiques. Vient ensuite le stade de contemplation : les personnes sont bien conscientes du risque, mais restent hésitantes à changer. Nous devons donc leur amener des éléments de réassurance afin qu’elles se rendent compte de l’intérêt qu’il y a à faire évoluer les pratiques. Enfin, le dernier stade, que j’appelle « de détermination », est sûrement le plus fréquent puisqu’il regroupe les freins contextuels ou individuels. Ici, tous sont conscients du risque, sont volontaires, appliquent régulièrement les bonnes pratiques. Cependant, un blocage, même temporaire, peut survenir, lié à l’organisation des services, à un manque de connaissance, un manque de matériel, des problèmes de locaux… Des difficultés quotidiennes, en somme, qu’il est assez facile de gérer dès lors que l’on prend le temps de les analyser et d’en identifier les causes.

Ce dernier stade demande-t-il des réponses plus pratiques ?
Bien sûr. Si les deux premiers stades appellent à des actions de sensibilisation, ici, les freins sont eux-mêmes pratiques et appellent donc à la mise en place d’actions de terrain. Par exemple, un professionnel de santé peut se demander pourquoi il ne fait pas systématiquement une friction hydro-alcoolique avant de toucher un patient. La réponse peut être qu’il n’y a, tout simplement, pas de flacon de SHA dans chaque chambre, et qu’il faut donc s’organiser pour remédier au problème.

Comme vous l’évoquiez plus haut, votre ouvrage est très complet. Comment avez-vous organisé son écriture ?
L’éditrice, elle aussi médecin, m’a beaucoup accompagné. J’ai d’abord réfléchi à un plan en six parties, en m’organisant pour consacrer à chacune un mois à un mois et demi d’écriture. Synthétiser toutes les recommandations a nécessité beaucoup de temps et de rigueur, mais j’ai réussi à rédiger une première version en un peu plus de six mois. Après de nombreuses relectures personnelles, le livre a été envoyé à des relecteurs issus des publics cibles : le Dr Pierre Parneix, médecin hygiéniste et aujourd’hui président de la Société Française d’Hygiène Hospitalière (SF2H), mais aussi un médecin qui exerce en EHPAD, un médecin de ville et un cadre infirmier enseignant en Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) et Institut de Formation des Aides-Soignants (IFAS). Ce dernier point était particulièrement intéressant pour connaître l’intérêt que pourrait avoir l’utilisation de ce livre dans le cadre de la formation initiale et/ou continue des professionnels de santé.

Le livre est sorti en septembre. Avez-vous déjà eu de premiers retours ?
Le congrès de la SF2H, qui se tenait début octobre à Nantes, a fait l’effet d’un « baptême du feu ». Le livre était présenté sur le stand du RéPias, le Réseau pour la prévention des infections associées aux soins, mais beaucoup de mes confrères l’avaient lu avant le congrès. Leurs retours ont été positifs, ils ont salué son aspect simple et scientifique. Certains m’ont d’ailleurs indiqué qu’ils s’en serviraient lors de formations en Diplôme universitaire (DU) d’hygiène, ou qu’ils l’offriraient à leurs correspondants en hygiène. Si le livre est lu et qu’il est utile, c’est un vrai bonheur pour moi, car je l’ai écrit avant tout pour cela.

Vous l’avez rédigé durant la crise sanitaire. Y prenez-vous en compte la pandémie ?
Bien sûr, j’aborde le contexte de la crise, ses spécificités et ses différents impacts. Cependant, ce n’est pas une situation « normale ». Or ce livre a été pensé pour s’adapter à n’importe quelle situation, et ce dans le but d’être à jour le plus longtemps possible. Ce n’est d’ailleurs pas un ouvrage de recommandations mais d’explications, destiné à donner au lecteur les clés pour comprendre les modes de transmission, et choisir la protection la plus optimale en fonction du risque. La compréhension est essentielle pour adopter les bonnes pratiques et ainsi se protéger et protéger les autres.

Vous êtes vous-même co-pilote, depuis 2018, de la Mission nationale d’appui transversal à la prévention des infections associées aux soins (MATIS). Pourriez-vous nous la présenter ?  
MATIS fait partie du RéPias, et plus particulièrement des cinq missions nationales déléguées par Santé Publique France. Elle a la particularité d’être une mission transversale de soutien, de communication et d’appui pour la prévention des infections associées aux soins. Portée par les CPias Île de Guadeloupe et Nouvelle-Aquitaine, MATIS bénéficie de deux coordonnateurs scientifiques, Raymond Nasso pour le versant paramédical, et moi-même pour le médical.

Quelles sont vos missions dans ce cadre spécifique ?                       
Nous intervenons en tant que coordonnateurs pour les nombreuses activités de MATIS, comme le maintien et l’alimentation du site Prévention Infection, de sa page dédiée au Covid-19, l’animation d’un forum destiné aux professionnels de santé, d’une plateforme d’e-learning, de la base documentaire… Les missions de MATIS sont vraiment très vastes. L’une des parties les plus importantes repose sur la création et la mise à disposition de trois boîtes à outils sur trois thèmes : l’hygiène des mains, le péril fécal et l’hygiène respiratoire. Regroupant des outils de formation, d’évaluation et de communication, elles demandent un grand travail scientifique avec une revue systématique de la littérature et des outils existants, mais aussi l’appui d’un psychologue pour définir le public cible, ses besoins et ses attentes.

Les boîtes dédiées à l’hygiène des mains et au péril fécal sont déjà en ligne. Avez-vous prévu la date de sortie de la dernière boîte, celle sur l’hygiène respiratoire ?
Elle devrait être disponible d’ici la fin de l’année sur le site Prévention Infection. À l’instar de ses prédécesseures, cette nouvelle boîte regroupera plusieurs outils pour se préparer à l’arrivée d’une épidémie respiratoire, auto-évaluer ses pratiques, se former grâce à un module d’e-learning ou une vidéo interactive, informer par des outils de communication, effectuer un retour sur expérience… À une époque marquée par une pandémie respiratoire et la multiplication de messages parfois contradictoires, la mise à disposition de cette troisième boîte devrait favoriser la remise à plat des pratiques. Et cela est à mon sens plus que jamais nécessaire car, si l’hygiène des mains semble être la grande gagnante de cette crise, l’hygiène respiratoire, et plus particulièrement le port du masque en cas de maladie même bénigne, semble avoir plus de peine à s’inscrire sur le long terme. 

Article publié dans l'édition de décembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.

- Anne-Gaëlle VENIER, Éviter les contaminations lors des soins, éditions Le Coudrier, collection Avelines, paru en septembre 2021, 96 pages, 12 €.

 

Anne-Gaëlle Venier, Médecin de santé publique. ©DR
Anne-Gaëlle Venier, Médecin de santé publique. ©DR
L’auteure
Après des études de médecine à Angers, Anne-Gaëlle Venier s’est spécialisée en santé publique, un domaine qu’elle affectionnait « pour son travail sur la prévention des pathologies ». Elle effectue alors un internat en santé publique à Besançon, où elle s’intéresse notamment aux risques environnementaux. Elle découvre l’hygiène hospitalière, une spécialité « plus concrète » qui la passionne rapidement. « La dynamique de la spécialité, qui se divise en actions chroniques de surveillance et en réponses rapides de problématiques ponctuelles », l’intéresse tout particulièrement. En poste à Bordeaux depuis 15 ans, Anne-Gaëlle Venier est également, depuis 2018, co-pilote en charge du volet médical, pour la mission nationale d’appui transversal à la prévention des infections associées aux soins (MATIS).
 






Nouveau commentaire :
Facebook Twitter